18 – LE POINT D’ACUPUNCTURE – LES MÉRIDIENS
Le point acupunctural que nous allons présenter n’a aucune existence anatomique. Cette entité, de nature informative, est d’abord d’essence pulsologique. Fâcheuse perspective penserez-vous ! Comment dénicher avec le pouls un site d’un millimètre de diamètre sur l’ensemble de la surface corporelle ? Ce point d’acupuncture, mathématiquement défini, est situé à l’intersection de deux droites orthogonales. Il s’exprime donc avec ses coordonnées, ce qui permet son approche.
A partir de simples lois biophysiques, il se présente sous deux formes. Son étude nous conduit à évoquer les Méridiens d’Acupuncture et à approfondir le langage du pouls.
C’est son ancienneté (1982) et sa pérennité qui donnent à cette étude toute sa valeur. Au début de nos recherches, en dépit de notre très mauvaise maîtrise des champs informatifs ambiants, les points et les méridiens se sont imposés à nous. La puissance d’expression de ces entités est donc déterminante.
LE POINT OSCILLANT
Nous savons que le binôme alternatif du pouls n’existe que par rapport à un état basal de repos, de silence : le pouls à plat, à zéro. Le point « Oscillant » ne peut donc apparaître qu’au milieu d’une plage de silence cutanée fixe. Cette plage de silence peut être vaste, à l’échelle d’un hémi thorax ou d’un membre par exemple. Comment donc se diriger, à coup sûr, vers le point ?
Si la pointe d’une aiguille d’acupuncture bimétallique (avec manchon) ou d’un détecteur X (il y en a de plusieurs sortes) survole la peau (à moins de 5 cm), circulairement, autour d’un point Oscillant, vous rencontrez quatre ressauts au pouls en franchissant les deux axes : les orthogonales du point. L’un est longitudinal (parallèle à la ligne médiane du corps) et l’autre transversal, perpendiculaire au premier. Chacun de ces deux axes, très longs, se manifeste par des binômes alternatifs quand l’antenne X ou l’aiguille passe au-dessus. Le point acupunctural est situé au croisement de ces axes.
Comment se manifeste le point lorsque la pointe du détecteur X s’arrête sur lui ? Les 2 composantes du binôme sont plus fortes, plus intenses que sur les axes : les deux ondes A et B sont 2 fois plus soutenues. Nous obtenons une réponse biophysique de sommation. Les ondes du binôme, que nous avons captées sur les deux axes, sont en effet en phase, d’où cette sommation de leur amplitude au niveau de leur intersection et la sensation d’une ample réaction. Ce qui caractérise également cette sommation, c’est aussi le doublement de l’espace qui sépare les ondes A et B du binôme.
Reste la question : comment se diriger à coup sûr vers ce point ? Dès qu’un des deux axes est repéré, il n’est que de survoler son parcours avec un pôle du médiateur X. Les oscillations du binôme s’affaiblissent si l’on s’écarte du point et se renforcent dans le sens contraire.
Il est utile de rappeler, qu’en dehors du point et de ses axes, la peau environnante, balayée avec le détecteur, demeure totalement silencieuse : le pouls est pratiquement « au repos », en son état initial.
LE POINT NUL
Sa description est simple : au sein d’une vaste plage cutanée, envahie de binômes se trouve un point « Nul », silencieux, non oscillant.
L’approche du point Nul est aussi aisée que celle du point Oscillant. Plus le médiateur se dirige vers le point, plus les ondes du binôme sont fortes. Puis, brutalement, ces fortes vagues se taisent : nous sommes dans « l’œil du cyclone », nous sommes sur le point.
La seconde règle biophysique de soustraction, qui dit que deux ondes en opposition de phase se neutralisent en s’additionnant, rend compte du point « Nul ». L’étude de nos axes montre en effet qu’ils sont en opposition de phase l’un par rapport à l’autre. Ceci se vérifie ainsi. Marquons sur un des deux axes les points y et y’ disposés de part et d’autre du point Nul, et sur l’autre axe les points z et z’ (marquage au crayon dermographique). Déplaçons brièvement, en un quart de seconde, en un temps inférieur à celui qui sépare deux pulsations, la pointe du médiateur d’un de ces points à un autre. Que ressentons-nous sous le pouce ? Si l’on saute de y à y’ ou de z à z’, le binôme reste régulier, on perçoit l’alternatif mouvement ABAB… Par contre, si l’on saute d’un axe à l’autre, de y à z ou de y’ à z’, l’oscillation perd sa régularité et le pouce détecte un « changement de pas » du pouls, sous forme ABBA ou BAAB. Ceci rappelle le ressaut du soldat qui, marchant à contretemps au cours d’un défilé, veut se remettre au pas.
Nous avons dit que le point Nul se situait au sein d’une plage envahie de binômes. Ce point Nul n’est pas situé, ici, à l’intersection de deux axes nuls ou silencieux mais de deux axes en opposition de phase. Comment peut-on, dans ces conditions, détecter deux axes sans zone de référence silencieuse ? En réalité la plage qui entoure le point Nul est le siège de deux types de binômes alternatifs : les binômes longitudinaux sur les axes et les binômes transversaux entre les axes.
Nous avons longtemps pensé que le point Oscillant était un point de Dispersion et le point Nul un point de Tonification tels que l’entendaient les acupuncteurs chinois. Nous verrons ultérieurement que cette interprétation chinoise ne correspond pas à la réalité : le point Nul et le point Oscillant sont les deux formes opposées d’expression d’une même entité, le « point d’acupuncture ».
LES BINÔMES TRANSVERSAUX.
Les binômes « transversaux » sont ceux que l’on recueille sous le pouce dans les quatre quadrants délimités par les deux axes (à oscillations longitudinales) du point Nul.
Nous savons que le phénomène ondulatoire, alternatif, est d’origine musculaire et qu’il prend sa source dans l’épaisseur même de l’artère. Ceci permet de rendre compte des binômes transversaux qui, sinon, défieraient l’entendement. Ceux-ci sont en effet composés de deux ondes C et D se faisant face et se manifestant alternativement. On dirait une partie de ping-pong : les deux faces opposées (externe et interne) du segment artériel se renvoient alternativement la balle, sur un axe perpendiculaire à l’écoulement du sang ! La sensation tactile donne également l’impression que l’artère « rumine ».
La perception de ce binôme transversal demande un bon tact et un peu d’entraînement. Celui qui les découvre, peut ne percevoir, au début, qu’une simple différence de sensation, et cela suffit amplement.
Examinons de plus près ces deux types de binômes.
Le longitudinal est aisé à repérer. Il suffit de poser le pouce sur l’artère radiale « au hasard », au-dessus ou au-dessous du « mur osseux » constitué par l’extrémité inférieure du radius (et qui définit l’étage moyen des pouls statiques chinois) : on tombe sans délai sur une des deux ondes A ou B si le binôme est net, et on se met en selle entre les deux.
Le transversal est parfois un peu moins net, plus délicat à percevoir en cas de faible intensité. On peut passer à côté et ne ressentir qu’une impression de fixité silencieuse (en cas de binôme faible). Il faut donc le chercher si on ne tombe pas directement sur lui. On doit être juste à son niveau pour le découvrir. Il suffit de glisser lentement et superficiellement le pouce le long de l’artère pour repérer avec soin le segment artériel qui « rumine » ou qui fournit une impression de « roulis » quand ce segment est court.
Comment justifier cette pulsation transversale du point de vue anatomique ? L’artère n’est-elle pas un cylindre battant dans les trois dimensions ? Pourquoi bat-elle de dedans en dehors ? Pourquoi ne battrait-elle pas dans le sens de l’épaisseur ? La première réponse est la suivante : par son appui modéré le pouce qui palpe déforme l’artère qui devient elliptique, coincée qu’elle est entre le plan osseux et le pouce palpeur. La seconde réponse repose sur une hypothèse : la motricité artérielle est peut-être hémi artérielle, chaque moitié ayant son innervation propre ?
Quoi qu’il en soit, entre les deux axes du point Nul, les quadrants cutanés ne s’expriment que par des binômes transversaux. Comment pourrait-on, dans le cas contraire, détecter des axes au sein d’une vaste plage ondulante uniforme ? Il s’agit donc bien d’une plage structurée.
Tels sont les deux formes d’expression du point d’acupuncture orthogonal tel que nous les appréhendons pour l’instant.
La découverte et la description de ces points Oscillants et Nuls en 1982-83, orientèrent notre recherche vers la Pulsologie pure. En effet aucun des livres, consultés depuis 1963, date du début de notre formation en acupuncture, ne nous avait révélé la nature exacte de ces points acupuncturaux mythiques. Aucune conférence ou publication du Dr P. Nogier, qui pratiquait les RAC depuis une quinzaine d’années, ne nous avait communiqué semblable découverte.
LES MÉRIDIENS D’ACUPUNCTURE.
En 1983, pour la première fois, nous sommes parvenus à projeter sur la peau les antiques Méridiens d’acupuncture (à partir d’organes chers aux Chinois : foie, rein, cœur, etc.). Ces méridiens se présentèrent sous la forme de points Nuls et Oscillants alternés, affichés de manière linéaire sur une même orthogonale le long d’un membre ou du tronc.
En 1986, le « Quotidien du Médecin » exposa les différentes tentatives de mise en évidence des méridiens d’Acupuncture par le Dr J.-C. Darras et le Pr. De Vernejoul. Une controverse s’éleva dans les colonnes du journal sur l’existence réelle de ces méridiens.
« Mythe ou réalité ? » : tel fut le titre de notre communication qui, adressée au Quotidien du Médecin, la fit paraître le 5 mars 1986. Cet article, reproduit in extenso ci-dessous, permit de divulguer cette étrange redécouverte du méridien du corps humain, affiché de manière pulsologique, après pose d’un organe sur la peau. Et ceci après 3000 ans de silence dubitatif sur ces mystérieuses entités chinoises.
Pourquoi ce pouls dynamique, dont on doit la résurgence au Dr P. Nogier, brille-t-il tant par son absence, au regard des pouls statiques et des milliers de « recettes » qui ont franchi les siècles et qui encombrent les encyclopédies d’acupuncture ? Certains ont avancé l’hypothèse que la Pulsologie était transmise par initiation directe, et qu’elle était réservée aux seuls Mandarins… Etre un homme de lettres ne prédispose pourtant pas à l’acquisition d’un bon tact même si certains acupuncteurs avaient recours à la pierre ponce pour se polir les doigts et affiner leur sensibilité…
Malgré le travail considérable réalisé par les acupuncteurs chinois, il est vraisemblable qu’ils ont dû se heurter à des difficultés. Ils concevaient mal les champs informatifs, les Biochamps divers que nous décrirons.
LES MERIDIENS D’ACUPUNCTURE : Mythe ou réalité ?
Par le Dr J-C T.
« Depuis bientôt quatre ans, le Dr J.-C. Darras et le Pr. De Vernejoul font assez régulièrement savoir par les médias et la presse que les méridiens d’acupuncture existent et peuvent être visualisés ; leurs travaux ont fait l’objet d’une communication à l’Académie de Médecine. Après injection d’un isotope radioactif, le technétium, dans un point d’acupuncture classique, la scintigraphie révèle le trajet linéaire du méridien qui porte ce point.
Le 21 janvier 1986, le « Quotidien du Médecin » rapporte les propos du Pr. Lazorthes qui revient de Shanghai, sous le titre « Acupuncture : les Chinois eux-mêmes doutent de la réalité des méridiens ».
Acupuncteur moi-même depuis 1963, j’ai toujours été fasciné par le mystère des origines de cet art. Ce débat, centré sur les méridiens, m’offre l’occasion d’intervenir et de faire part de l’état de mes propres recherches dans ce domaine. J’espère ainsi pouvoir nourrir la réflexion de ceux que le sujet passionne.
L’analgésie acupuncturale n’est-elle pas une anti-acupuncture ?
Il devient urgent, en premier lieu, de redéfinir brièvement l’acupuncture. C’est un rappel et non une définition nouvelle. Il s’agit de la stimulation, par aiguilles implantées, de points ou de zones cutanées interconnectées avec les viscères et les organes profonds. Le système nerveux central est l’intégrateur de ces deux régions. Cette stimulation vise à exciter les structures facilitantes ou inhibitrices des organes. L’équilibre physiologique du sujet, entre le INN et le IANG, constitue la finalité de l’acupuncteur.
Cette simple définition exclut du cadre de l’acupuncture, l’analgésie acupuncturale. Dès le départ – c’était au cours du premier voyage du président Nixon en Chine – la propagande chinoise s’empressa de présenter cette technique analgésique comme une méthode capable de rivaliser avec l’anesthésie générale inventée par l’Occident.
Chacun sait que l’anesthésie générale consiste à plonger dans un coma réversible un sujet en bon état, afin de lui faire subir un acte chirurgical. Ce coma réversible, plus ou moins bien toléré à court ou à moyen terme, ne peut vraiment pas être considéré comme une technique physiologique rééquilibrante…
…Même modulée électriquement, la douleur provoquée par les aiguilles implantées est stressante et traumatisante pour le sujet éveillé qui la subit. Cette douleur est répartie entre le foyer chirurgical et le foyer acupunctural. Le Pr. Lazorthes (qui revient de Shanghai, après avoir participé au colloque sino-français sur le traitement de la douleur) dit ceci : « Un stimulus nociceptif peut en masquer un autre. » Il a raison, tout cela est connu.
Comme on le voit, l’analgésie acupuncturale est une sorte « d’anti-acupuncture ». Ce n’est pas parce que les Chinois modernes nous ont présenté cette analgésie comme une branche nouvelle de cet art antique que nous devons y souscrire. Il s’agit en fait d’un amalgame dont les Chinois ont été les victimes.
Le Pr. Lazorthes n’est donc pas blâmable s’il rapporte des propos déconcertants tels que : « Les Chinois reconnaissent l’absence de spécificité des points d’acupuncture et soulignent le côté imaginatif des méridiens ». Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’un congrès relatif au traitement de la douleur ne peut être assimilé à un congrès d’acupuncture. L’art acupunctural est au service de la souffrance et de la douleur en particulier, et non l’inverse. La douleur peut se passer de l’acupuncture si l’on se place dans le cadre du « Gate System Control », système primaire et véritablement non spécifique. On aboutit alors à la réflexothérapie, l’aiguillothérapie et la mésothérapie.
Les spécialistes de la douleur ne me semblent pas habilités à traiter de la mythologie des points et des méridiens acupuncturaux.
Les méridiens ont-ils une existence physique ?
Je crois que les acupuncteurs français, qui ont toujours été nourris aux sources, grâce à Georges Soulié de Morant, sont probablement les meilleurs connaisseurs de cet art et de sa tradition. Ils travaillent tous à améliorer leur pratique, sans tomber dans le dogmatisme ni abandonner leur doute cartésien. Le méridien acupunctural est donc une énigme respectée, mais une énigme tout de même. On doit au Dr Niboyet d’avoir décrit le point d’acupuncture par son potentiel électrique : le point est un puits de moindre résistivité électrique cutanée. Mais force est de reconnaître qu’il n’a jamais découvert le méridien porteur de ce point.
A l’opposé se situent le Pr. de Vernejoul, le Pr. Albarède et le Dr J.-C. Darras : ils décrivent des trajets cutanés linéaires, imprégnés de technétium radioactif, et les interprètent comme la révélation de méridiens. Force est de reconnaître également que les méridiens qu’ils nous proposent ne comportent pas des points caractéristiques, répartis sur leur longueur. Ces méridiens isotopiques sont, par ailleurs, sources de questions.
Ces images de méridiens ne sont-elles pas simplement des lymphographies ? La ligne médiane du corps, qui sous-tend les très importants « vaisseau gouverneur » et « vaisseau conception », ne serait-elle pas un lieu idéal d’études ? Sa localisation en est aisée et la confusion avec les trajets lymphatiques guère possible. De toute évidence, qu’aucun histologiste ne soit parvenu à découvrir l’éventuel support anatomique des méridiens est très troublant.
Il n’est pas précisé, enfin, comment est défini le point d’acupuncture classique qui sert de lieu d’injection au Technétium. Finalement, le problème de l’existence du méridien est lié à celui de l’existence du point. Pour un mathématicien, ce méridien acupunctural est une curieuse entité : comment délimiter un point sur une droite, sur une ligne ? Cela revient à décrire une goutte d’eau au fond de l’océan ! S’agit-il d’un alignement de points ? Les points proposés par les Chinois sont si nombreux aux extrémités des membres qu’on ne voit pas pourquoi les alignements droits devraient être privilégiés au détriment des alignements brisés ?
Lorsqu’on regarde un atlas, on ne peut pourtant s’empêcher de ressentir la vérité latente qui sous-tend cette harmonieuse distribution des points, nombreux aux extrémités et rares aux racines des membres. On ne peut s’empêcher d’établir des liens avec la représentation corticale du système nerveux sensitif de la peau : le petit homme (homoncule) aux grandes mains et aux énormes pouces.
Les méridiens pulsologiques.
Le Dr P. Nogier a retrouvé, par fidélité à la tradition acupuncturale, et aussi par hasard, le chemin emprunté par les Chinois il y a trois mille ans. En ce temps-là, ils ne connaissaient ni l’électricité ni les isotopes et ce ne sont donc pas ces méthodes qui les conduisirent aux méridiens. C’est sur le pouls radial que repose l’acupuncture.
Il suffit de lire l’Encyclopédie de Georges Soulié de Morant pour mesurer, par le nombre des pages qui y sont consacrées, l’importance fondamentale que les Chinois accordèrent à la Pulsologie. Et c’est l’observation simultanée du pouls et de la peau des oreilles qui permit au Dr Nogier, fondateur de l’auriculothérapie (acupuncture limitée aux oreilles), de décrire d’abord le réflexe auriculo-cardiaque (ou RAC), qu’il transforma plus tard en VAS : Vascular Autonomic Signal. Ce signal est décrit comme une sorte de réflexe artériel se produisant lorsqu’on contacte la peau de l’oreille (mais également le reste du tégument).
C’est en recherchant des points douloureux sur le pavillon avec un palpeur (à pression ?) qu’il déclencha ce signal chez un sujet examiné. Il établit alors rapidement un lien entre le point et le signal. Il venait de redécouvrir, sans la chercher, l’approximative définition du point d’acupuncture et venait de renouer avec l’antique tradition chinoise.
Dans un deuxième temps, il fut amené à constater que le point acupunctural n’était pas le seul à déclencher le signal du pouls. Un très grand nombre de procédés physiques ou chimiques se révélèrent capables de le déclencher aussi : certains médicaments, au contact de la peau ou même à proximité de celle-ci, peuvent l’induire.
Dans un troisième temps enfin, il fut amené à s’intéresser aux couleurs. Les points d’acupuncture spontanés de l’oreille étant peut-être trop rarement signalés par le pouls, il chercha à les provoquer. Certains filtres colorés (de Wratten Kodak) déposés sur le dos de la main ou sur la peau du front se révélèrent capables d’induire un point sur le pavillon auriculaire. Ce point est identifié par le passage d’un fin pinceau de lumière blanche sur son site. Ce faisant, il venait de redécouvrir qu’une couleur était capable de se projeter sur le tégument pavillonnaire de manière ponctiforme : le signal du pouls en faisait foi. C’est à peu près à partir de ce moment-là que le Dr Nogier fonda l’auriculomédecine. Mais celle-ci stagna, le signal étant vraiment trop peu spécifique (il se déclenchait trop souvent et à tout propos).
Au cours des années 1981-1982 j’entrepris de vérifier les très nombreuses publications du Dr Nogier. Il fallut me rendre à l’évidence : aucune de ses expériences n’était vraiment reproductible. S’il avait entrouvert la porte de l’acupuncture ancestrale, il était resté sur le seuil.
Au cours de cette année 1982 ; je découvris que le pouls radial n’était pas le siège d’un réflexe ou d’un signal, mais celui d’un véritable langage binaire continu. Je fus en mesure de le décoder assez rapidement et de renouer expérimentalement avec la tradition. La question des méridiens était à l’ordre du jour. A l’instar du Dr Nogier qui affiche des points sur l’oreille, projetés à partir de couleurs, je suis parvenu, dans certaines conditions expérimentales, et à partir de préparations tissulaires, à faire apparaître les fameux méridiens. Le langage pulsologique est un langage ondulatoire, oscillatoire et c’est sous un aspect oscillant que se présente le méridien. Bien qu’ayant la forme d’une bande linéaire étroite, il peut être comparé à une vibration sinusoïdale faite de ventres et de nœuds intercalés. Les points des méridiens sont bien définis, distincts de la ligne qui les porte tout en en faisant partie, comme les nœuds d’une corde vibrante restent immobiles bien qu’appartenant à la corde en mouvement. Le méridien est donc constitué de points alternativement oscillant et zéro.
Je fus enthousiasmé de retrouver la progression géométrique des espaces qui séparent deux points qui se suivent. Cette progression va en augmentant depuis l’extrémité des doigts jusqu’à la racine du membre. Il suffit de consulter n’importe quel atlas d’acupuncture pour constater que, si les variantes sont nombreuses quand il s’agit des points, la progression géométrique de ceux-ci est toujours respectée. Telle est la vérité latente qui se dégage de la contemplation d’un atlas, comme je l’ai signalé.
Mais si la Pulsologie nous offre de renouer avec les méridiens, elle nous permet également de remettre en cause bien des dogmes. Cette projection dépend étroitement de la préparation tissulaire qui l’engendre. Qu’est-ce que le méridien du poumon ? C’est la projection induite d’une coupe de poumon déposée sur ou près de n’importe quel sujet. Ce méridien se situe bien, sur le côté externe de la face antérieure des membres supérieurs. Le tissu pulmonaire – comme le tissu hépatique – nous offre une préparation assez homogène de cellules différenciées. Il n’en est pas de même avec un viscère composite comme le côlon, fait de muqueuses, de glandes, de formations lymphoïdes, de muscle lisse, de séreuse… Selon la composition tissulaire dominante, le méridien peut varier de site. Son trajet ne respecte pas forcément ce que les Chinois nous ont enseigné. Tous les tissus différenciés des mammifères sont aptes à proposer des méridiens. Si les méridiens latéraux antiques ne sont que douze, cela ne tient qu’à la connaissance primitive, macro anatomique des anciens Chinois.
Les tissus différenciés se caractérisent par leur site de projection, mais ce n’est pas une règle. La ligne médiane du corps et des membres est le support projectif de nombreux tissus. Cela permet d’éclairer les appellations énigmatiques de méridien « triple réchauffeur », de méridien « circulation-sexualité », lesquels se localisent sur les lignes médianes antérieures et postérieures des membres supérieurs. Je n’ai d’ailleurs pas compris l’absence de méridiens médians équivalents sur les membres inférieurs. J’ai observé, quant à moi, une égale projection du tissu vasculaire sur la ligne médiane postérieure des membres inférieurs. Pourquoi ces lacunes ? Expérimentation insuffisante ? Démarche expérimentale bridée par des principes ésotériques ? Peut-être.
Quoi qu’il en soit, le méridien acupunctural est une entité biomathématique que seul le langage pulsologique permet d’exprimer. Actuellement, aucun instrument de nature biophysique électrique ou isotopique n’est en mesure d’appréhender cette entité qu’est le méridien. L’acupuncture est avant tout un art tactile, comme la cuisine est un art gustatif. Dans ces deux domaines, Chinois et Français ont tout pour se comprendre.
Si la question de l’existence des méridiens me semble positivement claire et réglée, celle de leur emploi et de leur application me semble ouverte. Que peut-on faire de ces méridiens provoqués, non spontanés, dont le site varie avec la composition tissulaire ? Comment sont-ils induits ? Pourquoi les antiques Chinois leur ont-ils donné tant d’importance ? Ne sont-ils que le support théorique des points d’acupuncture si importants et si pratiques ?
Dans l’état actuel de mes connaissances, je n’ai pas trouvé de réponse à ces questions. Pour moi, les méridiens sont le reflet mathématique des structures inconnues de notre ordinateur nerveux central. La peau est le miroir du système cérébro-spinal, si l’on se réfère à leur commune origine ectodermique. Sans nul doute, les méridiens permettent d’affirmer que les hommes, comme les mammifères, sont cousus de fil blanc. »
CONCLUSION
Le caractère « historique » de cette première description du point acupunctural remonte aux années 1980. Nous verrons que, grâce à nos progrès techniques, la définition des points s’est enrichie. D’une part nous verrons que les points Nuls sont constitués de 2 axes nuls au milieu de quadrants oscillants (ceux qui sont en diagonale oscillent en phase, les adjacents en opposition de phase), d’autre part nous décrirons d’autres formes du point d’acupuncture, ceux que nous venons d’exposer ne représentant que la forme orthogonale.
Le discernement des oscillations longitudinales et des transversales ne deviendra pas pour autant subsidiaire et secondaire.